Isabel Tronçon est née dans le bruissement de mai 68,dont elle a hérité ce grand parfum de liberté.
Il y a treize ans elle quitte sa Normandie natale, ses plages du Débarquement, ses fromages, son cidre, ses pommes et sa verdure pour savourer une terre nouvelle de Martinique qui lui offre une véritable hospitalité à travers ses mornes, ses rivières, son vent, son rire et la mélodie de son créole.
Elle a opéré selon l'expression de Michaux «une décongestion, ouverture d'une autre fenêtre sur le monde».
Elle peint depuis l'âge de 18 ans. Son matériau est l'abstrait, son arme le couteau, son condiment l'huile.
Elle est une fervente admiratrice de Nicolas de Staël et de Zao Wou Ki. Elle juxtapose les couleurs, les couleurs se riturent,s'aiment, se déchirent, s'enlacent les unes les autres, se pénètrent et s'aiment à nouveau. Elle décrit le vent et son éclaboussement, le soleil et son odeur, le morne, le sable… Elle recule de trois pas et observe son travail, il lui vient à l'esprit la formule d'Eugène Delacroix «le premier mérite d'un tableau est d'être une fête pour l’œil».
Isabel Tronçon trouve dans l'art abstrait une espèce de connexité avec le jazz, le surréalisme, le nouveau roman, la nouvelle philosophie une sorte de non-conformisme, d'originalité, de fantaisie, ou encore ce que le critique d'art Alexandre Benois appelle «le zéro des formes», bref une autonomie esthétique ou un langage illimité, voire utopique ou avant-gardiste.
Nous demeurons néanmoins dans la poésie, ne dit-on pas que la poésie est «une peinture parlante» et la peinture «une poésie muette».
Paul Klee en 1920 écrit : «l'art ne reproduit pas le visible, il rend visible».
Guy Mamès